A l’Etat et au Gouvernement français
Aux organisations françaises et à la société en général
Le 17 avril 2025 marque le 200e anniversaire de l’injonction faite par la France à Haïti de payer une indemnité de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance de son indépendance, après 21 ans de blocus et d’embargo. Haïti a ainsi été contrainte de payer ses colons et ses esclavagistes pour avoir osé devenir, en 1804, la première nation noire libre du monde moderne et la première nation libre de l’hémisphère occidental.
Cette « rançon » a absorbé la majeure partie des ressources fiscales et commerciales d’Haïti, l’obligeant à s’endetter auprès des banques françaises, états-uniennes et allemandes afin d’honorer cet accord injuste. Pendant plus d’un siècle, Haïti a dû orienter toute son économie vers le remboursement de cette double « Dette de l’Indépendance ». Cela a appauvri le pays et son peuple, et a déclenché un cycle d’extraction, de dette et de dépendance qui l’a rendu vulnérable à la domination des élites et à l’ingérence étrangère.
La crise actuelle en Haïti, véritable génocide silencieux, est l’un des résultats de ce rançon. Parmi les principales causes de la gangstérisation d’Haïti figurent la pauvreté chronique et les inégalités sociales accumulées et reproduites pendant deux siècles d’asphyxie néocoloniale.
Au lieu d’investir dans les infrastructures, les services publics et le développement industriel, la richesse du peuple haïtien a été utilisée au profit de la France, contribuant à en faire l’une des plus grandes économies du monde.
Les demandes de réparations d’Haïti s’inscrivent donc dans cette histoire brutale d’esclavage et de racisme, d’extorsion postcoloniale et de domination néocoloniale par les anciens esclavagistes et leurs alliés européens et américains. Elles font partie intégrante de la lutte persistante du peuple haïtien pour la justice et l’autodétermination.
Il est temps que la France reconnaisse, restitue et rembourse cette dette au peuple haïtien.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, nous reconnaissons dans notre propre histoire des relations similaires d’exploitation, d’endettement et d’extorsion. Nous reconnaissons également la lutte historique du peuple haïtien et la solidarité vitale dont il a fait preuve avec les luttes d’indépendance de nos peuples.
C’est pourquoi nous soutenons son appel à la reconnaissance, à la restitution et à la réparation de la dette de l’indépendance, maintenant ! Avec le peuple haïtien, nous attendons de la France qu’elle prenne des mesures concrètes, matérielles et urgentes pour commencer à réparer les dommages causés et jeter de nouvelles bases pour des relations fondées sur la liberté, l’égalité et la fraternité véritables. Et nous continuerons à les accompagner jusqu’à ce que leurs justes revendications soient satisfaites.
– Amérique latine et Caraïbes, 17 avril 2025